21.4.11

7- SYNTHESE proposée par Jean-René BERTHELEMY

Jean-René BERTHELEMY est Directeur de l'EHPAD Ste Thérèse à Ludres 54
Retranscription in extenso des propos enregistrés.
Synthétiser une affaire comme celle-là, ce n'est pas quelque chose d'évident; je me risquerai avec une certaine inconscience et beaucoup de modestie à essayer de regarder à quelles conditions nous allons pouvoir, peut-être, relever les défis qui sont devant nous et éventuellement réussir à y trouver des solutions.
Je crois qu'effectivement on aurait pu trouver comme sous-titre à cette soirée : Comment l'exercice libéral de la médecine, de la pharmacie qui est impacté aujourd'hui profondément par l'évolution du financement des EHPAD, par l'évolution des contraintes économiques qui sont celles des EHPAD, comment cet exercice libéral dont il ne faut pas oublier que, somme toute jusqu'ici, il n'a pas si mal réussi aux personnes âgées si l'on en croit l'espérance de vie qu'on peut constater en France; donc on n'est pas en train d'essayer de régler une catastrophe, on est en train d'essayer de voir comment on peut dans un contexte de contraintes de plus en plus fort, permettre à ce système qui a pas si mal réussi jusqu'à maintenant, de continuer à prendre en charge des personnes âgées dans des conditions pas trop mauvaises.

Je crois qu'on est effectivement aujourd'hui en tension entre 4 objectifs :

- Un objectif de sécurité.
Comment effectivement le médicament, le circuit du médicament peut être plus, mieux, encore plus, encore mieux sécurisé qu'il ne l'est ?
A priori entre ça et l'introduction du coût du médicament dans le forfait de soins d'un EHPAD, il n'y a pas d'effet mécanique; autant les EHPAD sont, évidemment comme tout le monde, comme les médecins, comme les pharmaciens, demandeurs de plus de sécurité autant il ne faut peut-être pas amener trop vite les conséquences opérationnelles d'une affaire comme celle-là.

- Deuxiemement, efficience du processus.
On l'a vu, les problèmes de iatrogénie, les problèmes d'interactions médicamenteuses, les problèmes d'erreurs en tous genres, comment faire pour améliorer le processus ? c'est un autre versant de la sécurité.

-  Une fois ou deux, mais pas trois, le mot éthique a été prononcé.
Mais quand on parle de liberté du patient, quand on parle de libre choix du patient, effectivement on sent bien qu'on est là dans une sphère qui est complexe et qui n'est pas évidente parce que vous savez bien qu'en éthique et j'y reviendrai peut-être tout à l'heure, une des caractéristiques d'un travail éthique c'est de bien considérer que les réponses ne préexistent pas aux questions et que chaque question est nouvelle au moment où elle se pose.

- Et puis quatrième axe dont on voit bien qu'il est présent et que trés vite il peut faire monter le ton, c'est évidemment l'axe économique; il n'y a pas de raison de se le cacher.

Alors et en conclusion, je vous propose trois ensembles de questions :

1- La première question, c'est, je crois qu'on a pas fini de savoir si l'EHPAD est :
- le domicile d'un résident ?
 ou
- l'établissement de soins d'un patient ? 
On sent bien qu'on tourne autour de cette affaire là, que c'est pas réglé, que c'est pas clair; que selon qui je suis, selon d'où je pars, selon que j'énonce le code de la santé publique, selon que j'ai un problème un samedi soir avec un résident, un patient, je ne sais pas trop; suivant que c'est SOS médecin qui répond à l'appel et qui me dit : " moi, votre dossier de soin informatisé, je ne sais pas aller dedans et de toute façon je suis pas le médecin traitant, votre patient vous vous dépatouillerai avec lui ! ", bref, il faut qu'on continue à travailler sur cette question qui demande des choix, qui exigera des choix radicaux.
Si le résident est chez lui dans un EHPAD, il choisira son médecin sauf à dire qu'il y a discrimination fondamentale entre deux résidents qui peuvent habiter à 50 m l'un de l'autre, l'un qui paie son loyer aux HLM et qui a le libre choix de son médecin, l'autre qui paie son loyer à un EHPAD et qui n'a plus le libre choix de son médecin.
Là, il faudra m'expliquer, nous expliquer comment ça marche !
Si par contre, il est patient d'un établissement de soins, alors il faut qu'on commence à faire un vrai travail, il faut qu'on commence à parler loi Leonetti, il faut qu'on commence à introduire dans notre réflexion autre chose que strictement le CPU, autre chose que strictement la question de savoir si l'achat groupé de médicament va coûter moins cher que l'acheter à la pharmacie du coin; on n'est plus tout à fait dans la même problématique.
Je crois qu'on ne traitera pas les défis qu'on a bien évoqués et développés ce soir sans évoquer cette question là.

2- Deuxième question ou ensemble de questions :
Qui est le pilote dans cette affaire là ?
Un certain nombre d'établissements EHPAD présents dans cette salle sont des établissements qui sont gérés par des associations; des associations qui ont un projet associatif, qui ont une histoire, qui ont des convictions, qui ont fait preuve d'une certaine capacité militante, qui ont fait des choix idéologiques , peut-être confessionnels pour certains, bref, des institutions qui ont une histoire qui s'inscrit dans cette histoire là, de quoi sont-ils pilote aujourd'hui ou plus exactement est ce que ce qu'on attend aujourd'hui c'est qu'ils soient des prestataires de service répondant de façon de plus en plus standardidée à des modes opératoires, à des réglements, à des injonction ou à des bonnes pratiques dont ils ne seront absolument pas les auteurs;faut savoir qui pilote.
Guillaume évoquait tout à l'heure la triplette EHPAD - Médecin - Pharmacien; qui pilote aujourd'hui le projet de soins dans un établissement ? C'est le médecin coordonnateur; demain faudra-t-il, faut-il et sous quelle forme associer formellement les pharmaciens y compris s'ils sont en libéral à l'évaluation de ce projet de soins ou peut-être même à l'élaboration de ce projet de soins ?
Qui pilote ? Il faut bien que l'on se pose la question dans ces termes là et peut-être qu'on ait des outils de regard ou d'analyse de ce pilotage qui n'aient pas peur de ce qui peut froisser ou de ce qui peut fâcher.

3- Aujourd'hui et c'est ma troisième question : 

Comment allons-nous faire la vérité ?

Nous sommes tous d'accord, moi le premier, pour proclamer que c'est bien évidemment l'intérêt du patient-résident ou du résident-patient que nous cherchons tous; notre action n'est orientée que dans cette direction; nous n'avons que cela à l'esprit; nous n'avons aucune autre préoccupation que celle-là;
C'est proclamé ? Tout le monde est d'accord ? Très bien mais le travail de vérité reste à faire ! Travail de vérité qui doit se faire dans la confrontation et la confrontation ce n'est pas un péché; on a le droit de ne pas être d'accord et de travailler et de chercher les solutions mais à la condition que nous ayons le courage, ou la lucidité de poser chacun notre propre inrérêt sur la table en disant : " oui, là c'est mon intérêt que je défend" parce que moi, directeur d'EHPAD, je préfère que les pharmaciens perdent un peu de pouvoir d'achat que moi, de perdre une aide soignante. C'est clair et si je suis pharmacien,je vais légitimement penser autre chose; nous ne traiterons pas, je crois, les affaires que nous avons à traiter ensemble sans faire un travail de vérité.
Je vous conseille un trés bon bouquin d'une philosophe qui s'appelle Chantal Delsol, dont je ne sais plus le titre du tout, mais il y a une phrase où elle dit : " Quand la quête du bien-être se substitue à la quête de la vérité, nous pouvons être inquiet de la manière dont l'idée même de droit de l'homme va pouvoir évoluer."
Je vous remercie